CNB : la cotisation annuelle augmentera de 50 euros (2024)

Lors de son assemblée générale du 9décembre 2022, le Conseil national des barreaux a voté en faveur d’une hausse de la cotisation annuelle versée par les avocats. Une décision destinée à éviter un déficit de l’institution et à lui permettre de mener de nouvelles actions, mais mal comprise par les intéressés.

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50euros par an: modérée pour les uns, conséquente pour les autres, la hausse de la cotisation annuelle des avocats au Conseil national des barreaux (CNB) a suscité de vifs débats lors de l’assemblée générale de l’institution du 9décembre 2022, avant d’être adoptée par 52% de ses membres. Faute d’explications de la part de l’institution dans les heures qui ont suivi, ce vote a également essuyé de violentes critiques sur les réseaux sociaux, les avocats les plus remontés accusant les élus d’être déconnectés de la réalité dans leur tour d’ivoire parisienne et préférer se gaver de petit* fours et de champagne plutôt que mener des actions concrètes en faveur du Barreau. Preuve que, malgré ses nombreuses communications adressées aux cabinets, le fonctionnement et le rôle du Conseil restent méconnus d’une partie des avocats, qui semblent ignorer l’exercice bénévole de ses membres et leur origine majoritairement provinciale –48 sur 80 représentent la circonscription nationale. Voire qui confondent encore le CNB avec la CNBF…


Missions spécifiques.
Pour rappel, le Conseil national des barreaux s’est vu confier par la loi plusieurs missions spécifiques: l’unification et l’évolution des règles et usages de la profession, l’organisation de la formation initiale et continue, l’admission des avocats étrangers, et surtout la représentation de la profession en France auprès des pouvoirs publics et du grand public, ainsi qu’à l’étranger. Des objectifs qui se matérialisent de façons diverses: financement accordé aux écoles d’avocats, organisation de formations sous forme de webinaires ou d’États généraux, gestion des spécialités, déploiement d’outils numériques, préparation des décisions à caractère normatif adoptées par l’assemblée générale puis portées à la Chancellerie, actions de lobbying auprès des parlementaires, participation à des événements comme le Congrès des maires de France ou le Salon de l’agriculture, ou encore campagnes de communication dans les médias… Inchangée depuis 2018, la cotisation annuelle de 390€ par avocat, et de 190€ pour les avocats de moins de deux ans d’exercice, avait permis jusqu’alors de financer la politique de l’institution. Or, ce ne devrait plus être le cas l’an prochain. «Ce budget a été arrêté à partir du constat de nouvelles dépenses que nous estimons incontournables pour 2023, des produits qui ne seront plus ceux que nous avions jusqu’à maintenant, d’une volonté de faire en sorte que cette maison continue à avancer et à remplir l’ensemble des missions qui sont les siennes», a expliqué le trésorier, Olivier Fontibus, lors de l’assemblée générale. Construit à partir des besoins exprimés par les services et par les commissions, et soumis pour avis au tout nouveau comité des finances puis au bureau avant d’être présenté à l’AG, le budget 2023 affiche en effet en augmentation de 4159447€ pour un total de plus de 32millions d’euros.

« Quand on construit un budget et l’équilibre de l’institution,
on ne peut plus raisonner à trois ans dans le cadre d’un mandat »


Équilibre financier.
Sans surprise, l’inflation constitue la première cause de cette hausse, en raison de son impact sur les dépenses de l’institution et sur les salaires des permanents –ces derniers représentent environ 30% du budget global et seront augmentés de 5% en 2023. En second lieu, le décret n°2022-965 du 30juin 2022 confie désormais au CNB l’organisation des élections de ses membres, qui relevait auparavant des ordres. Le 18novembre 2022, l’assemblée générale a donc choisi, après appel d’offres, le prestataire SLIB (Élection Europe) pour organiser le vote électronique des élections qui auront lieu fin 2023 et fin 2026. Ensuite, un plan cybersécurité sur trois ans va être lancé l’an prochain pour un coût annuel de 700000€ (v.encadré). Alors que les cabinets sont de plus en plus la cible des cybercriminels, «l’urgence n’est pas contestable sur cet investissem*nt», a estimé Olivier Fontibus. Sont également prévues de nouvelles actions de communication et d’événementiel. Une journée baptisée «la Grande rentrée des avocats 2023», pour laquelle une ligne budgétaire de 700000€ est prévue, doit ainsi se substituer en septembre à la Convention nationale des avocats. Plus question en effet d’organiser ce grand raout de trois jours qui clôturait traditionnellement la mandature, mais dont la rentabilité n’a jamais été trouvée. L’institution traîne un déficit des précédentes éditions de près de 1,3million d’euros et tente toujours de récupérer auprès des assureurs une partie de sa mise de fonds pour la convention de 2020, annulée pour cause de Covid-19. Par ailleurs, s’ajoute une nouvelle dépense d’ordre comptable: le budget 2023 prévoit de changer la durée de l’amortissem*nt de l’achat du siège social situé 180boulevard Haussmann à Paris. En 2017, ce dernier avait été financé par la vente du précédent siège de la rue de Londres et par un emprunt sur 25ans, mais amorti sur 80ans. Afin d’éviter d’affecter la trésorerie pour les années à venir, l’institution souhaite aligner la durée de l’emprunt et celui des amortissem*nts. «Cette anomalie avait été détectée par la direction financière mais n’avait pas été relayée jusque-là politiquement», a précisé Olivier Fontibus, ajoutant qu’il fallait agir «maintenant» pour «prévenir et protéger l’avenir». «Quand on construit un budget et l’équilibre de l’institution, on ne peut plus raisonner à trois ans dans le cadre d’un mandat», a-t-il justifié. «Cette décision aura un impact et un intérêt pour nos successeurs. C’est l’équilibre financier de l’institution qui est en jeu». L’objectif est en effet d’éviter de retomber dans les travers que le CNB a connus il y a cinq ans, avec une trésorerie des plus affaiblies, dont le fond n’a pu être reconstitué ces dernières années que grâce à un recouvrement massif des arriérés de cotisation.


Déficit
. Avec ces projets, sans hausse de cotisation, le CNB se retrouverait avec un déficit de 3700000€, a assuré Olivier Fontibus. Un trou dans la raquette que ne pourrait combler qu’un ensemble de «coupes sombres» qui impacteraient notamment la visibilité de l’institution et ses actions de lobbying. Ce, malgré les axes de réduction des dépenses courantes identifiés, allant de la renégociation des frais de bouche à la location de l’auditorium du boulevard Haussmann, en passant par un plan d’action sur la température et l’éclairage des locaux, ou une révision des modalités d’organisation des États généraux.


Profession forte.
La présentation du trésorier n’a cependant pas convaincu tous les élus de la nécessité d’augmenter autant la cotisation annuelle. L’ACE, le SAF et le barreau de Paris ont en effet voté contre cette hausse de 13 %, réclamant notamment qu’un effort supplémentaire soit fait pour « interroger la dépense ». « À Paris, nous sommes confrontés aux difficultés de nos confrères », a expliqué la bâtonnière Julie Couturier. « Le barreau de Paris a fait le choix de ne pas augmenter ses cotisations et il nous sera difficile d’expliquer que la cotisation du CNB sera augmentée alors même qu’elle va se retrouver à être plus importante que la cotisation ordinale des cinq premières tranches » – allant de l’exonération à 183 €. En outre, le recouvrement étant opéré par le barreau de Paris, « cela pose une question de compréhension », a-t-elle ajouté, précisant que son conseil de l’ordre s’était prononcé en faveur d’une hausse limitée à 20 €. Du côté de la FNUJA – à noter que l’UJA de Paris s’était prononcé contre en amont de l’assemblée générale – , de l’ABF et de la Conférence des bâtonniers, la position a été au contraire de soutenir cette augmentation pour défendre un CNB « fort » dans l’intérêt des avocats. Dans un communiqué, la FNUJA a ainsi rappelé que l’institution représentative « permet aux jeunes avocats d’être entendus sur le plan national dans leurs doléances et projets », citant notamment les avancées obtenues sur la gratification minimale pour les stagiaires élèves avocats ou les contrôles a posteriori par les ordres des conditions d’exercice du contrat de collaboration. «Interroger la dépense, oui, nous sommes tout à fait d’accord, mais l’inflation va continuer. Le choix qui est proposé est un choix dans la durée, y compris pour la mandature qui va suivre», a commenté, quant à lui, le président de la Conférence des bâtonniers Bruno Blanquer. Et de justifier le vote de la Conférence et du collège ordinal province: «Nous souhaitons avoir une profession forte et nous ne pouvons pas avoir autre chose qu’un CNB fort. Ne lui coupons pas les ailes». Une position finalement suivie par la majorité des élus, sur laquelle l’institution va maintenant devoir faire preuve de pédagogie.

Laurence Garnerie

Un plan cybersécurité sur trois ans

Lors de l’assemblée générale du 9décembre 2022, le président de la commission Numérique, Philippe Baron, a présenté le plan cybersécurité sur trois ans que le CNB va mener à destination de la profession à compter de 2023. «Nous n’avons pas pris conscience des dangers de la cybercriminalité. Nous, avocats, continuons à faire n’importe quoi en matière de sécurité informatique et il faut que nous nous ressaisissions», a-t-il expliqué. Sur 45000 adresses électroniques recensées par l’UNCA, 20000 sont en effet de type gmail ou yahoo, associées à des clouds soumis auPatriot Actaméricain. À l’inverse, seuls 2500 avocats utilisent des adresses sécurisées avocat-conseil.fr. Or, constate l’UNCA, «la quasi-totalité des fraudes, notamment des faux Iban, concerne des avocats qui ne disposent pas d’une adresse électronique attachée à un nom de domaine professionnel». Ce, alors que les cabinets constituent de plus en plus une cible privilégiée pour les pirates informatiques, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité, car ils possèdent un grand nombre de données stratégiques et/ou personnelles. Des attaques récentes ont ainsi concerné aussi bien un petit cabinet d’avocat français à Caen qu’un gros cabinet parisien, a rappelé Philippe Baron. Hameçonnage, rançongiciel, piratage de compte, attaque de serveurs: pour les membres du Barreau, les risques sont multiples de se faire voler des données ou de subir une interruption de services pour une durée indéterminée, avec de forts impacts négatifs (coût financier pour le rétablissem*nt, atteinte à l’image et à la réputation du cabinet, conséquences juridiques, refus de prise en charge par les assurances). Pour pallier ces risques, le CNB a donc décidé d’adopter une feuille de route comprenant un volet préventif et un volet curatif, au cours desquels un état de la dette technique sera dressé et des actions de sensibilisation, de formation et de sécurisation seront menées.

L. G.

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Author: Horacio Brakus JD

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